Entretien avec Marion Lelouvier, présidente du Centre des Fonds et Fondations (CFF) et présidente du directoire de la Fondation de l’Avenir.

Marion Lelouvier aborde le sujet de la philanthropie et de l’entrepreneuriat. Elle partage son point de vue et ses convictions sur l’évolution de la Philanthropie.

Quelle est votre vision sur le mariage de la philanthropie et de l’entrepreneuriat ?

Marion Lelouvier :  La Philanthropie et l’entrepreneuriat sont beaucoup plus proches qu’on ne pourrait le penser ! Ils ont des ressorts communs comme l’intuition, la capacité à prendre des risques et la rigueur pour mener un projet dans la pérennité. La démarche est similaire, l’idée prend sa source d’une personne, puis elle se développe et grandit en collectif.

L’entrepreneur peut décider d’engager sa structure via un véhicule philanthropique dédié, que ce soit une fondation ou un fonds de dotation. La philanthropie ou le mécénat permet de donner du sens aux actions de l’entreprise et faire grandir son impact.

On voit d’ailleurs une hybridation des modèles se mettre en place au service de l’intérêt général. Il est nécessaire d’être rigoureux et vigilant pour répondre aux exigences de l’intérêt général, et d’en développer les bonnes pratiques également au niveau territorial.

Quelle place pour la philanthropie dans les changements systémiques ?

Marion Lelouvier : Le temps du changement systémique, c’est le temps long. C’est le temps de la réflexion et de la conduite d’actions convergentes pour engager des transformations profondes. En philanthropie, nous avons la chance de pouvoir travailler les volets amont et aval de chaque cause au service de la société, de pouvoir intervenir aussi quand, à la racine d’un changement systémique, survient une crise. Répondre à l’urgence est primordial pour apporter des solutions immédiates, comme l’action humanitaire dans des territoires en guerre ou trouver des solutions pour palier à l’urgence climatique ; les exemples sont nombreux.

Et face à cette conscience de devoir faire avancer la société, une démarche philanthropique peut aussi inclure des travaux de recherche, sans pouvoir indiquer une durée déterminée pour autant. C’est une prise de risque qui est différente de celle pour répondre à une urgence.

La philanthropie permet de fédérer différents acteurs autour d’une même cause. Par exemple, à la Fondation de l’Avenir, nous arrivons à mobiliser des entreprises mécènes, qui pourraient être concurrentes, au service de la recherche médicale.  Elles s’unissent pour une cause qui dépasse souvent nos frontières. Ces échanges amènent le dialogue, des réflexions qui font évoluer les points de vue pour inventer les solutions.

Je conclurai par une citation, de mes prédécesseurs à la présidence du CFF, qui résument bien le sens de la Philanthropie. Francis Charhon aime à dire que « la philanthropie c’est avant tout l’amour de l’humanité et de l’autre », une phrase que je complète avec celle de Benoît Miribel « chaque fois que l’on fait avancer une action d’intérêt général, on fait avancer les autres ».

Comment évolue la philanthropie en France ?

Marion Lelouvier : Au CFF, nous menons un travail quotidien pour porter nos convictions, auprès des entreprises mécènes, des pouvoirs publics, et aussi du grand public.

Selon le 1^er baromètre « Regard des Français sur l’action sociale », publié par l’UNCCA (Union nationale des centres communaux de l’action sociale) le 28 mars dernier, en ce qui concerne l’Etat, les Français (39%) le perçoivent le plus souvent comme le meilleur acteur pour une action sociale efficace. La Philanthropie a encore une un rôle important à jouer à ses côtés, notamment parce que l’Etat n’a pas toujours le temps ni les ressources nécessaires pour répondre, seul et partout, à tous les enjeux.

J’ai la conviction que les acteurs à impact auront de plus en plus de place. Même si la philanthropie existe depuis des temps ancestraux, elle a toujours su évoluer, se professionnaliser et s’adapter. La Philanthropie est l’affaire de tous. Les bénéficiaires deviennent, à leur tour, philanthropes. Qu’ils donnent de leur temps ou de leur argent, ce sont eux qui sont au plus près du terrain. Ils ont toute légitimité à rendre visible l’invisible. L’évolution de la Philanthropie trouve de plus en plus de sens et développe son impact aussi dans une logique ascendante et vertueuse.

La philanthropie doit se développer sous toutes ses formes. Elle peut se manifester par le don de RTT ou de matériel à des organismes à but non lucratif, venir renforcer et nourrir l’Etat, elle a un rôle clé à jouer au service de l’intérêt général !

Toutes les informations sur la philanthropie en France : centre-francais-fondations.org